
Photo @Alexandra Girel
Miss Crevette, 20 mois dans 9 jours. A 48 jours de cette fameuse "délivrance". Je regarde les Maternelles, 2 émissions en retard, et je découvre enfin le pourquoi du comment de mon 1er accouchement. Il serait temps non?
*Retour en arrière*
2008: Allez. c'est parti mon kiki, on commence à se mettre au boulot. Oui, nan, on a assez d'argent, c'est pas le moment, comment on fait, est-ce qu'on peut ...? Comment ça se suis pas enceinte dès la 1ère partie de jambes en l'air? Quoi, l'ovulation, quoi le sperme doit se renouveler, quoi 1 an d'attente c'est normal?
Plus d'un an de tentatives ratées, de parties de jambes en l'air de plus en plus mécaniques, de pause déjeuner les cuisses derrière les oreilles (oui j'exagère un peu, je suis pas si souple), de lecture qui te pourrissent plus la tête qu'autre chose. Et puis voilà, les deux lignes bleues à 2h du mat...
2009: Être enceinte c'est merveilleux, tu verras, sentir ton bébé bouger, se faire dorloter, aaaah les nausées, ces fameux petits désagréments matinaux tu apprendras à les aimer ... La réalité pour toi... est tout autre. Tu te sens coupable de ne pas aimer ça à mort, tu as tous les maux, tu en chies comme qui dirait et tu en as honte. Certaines personnes ne sont pas tendre envers toi sous prétexte que leurs femmes l'ont très bien vécu (les connasses, faut dire ce qui est, c'est jamais ça que t'as envie d'entendre quand tu rames). Encore plus culpabilisant quand ces personnes ne sont même pas parents et te sorte des phrases toutes faites genre "être enceinte, c'est pas une maladie!" ... non mais oh, t'as déjà eu les entrailles compressées par un bulldozer; 4 mois d'écoeurements car tu ne fais rien comme personne, pas un petit vomi, juste envie de gerber H24; de l'urticaire sur tout le corps; des difficultés à penser tellement tu manques de souffle juste à l'évocation d'une idée; 10 kilos d'eau qui t'offrent gratos 3 tailles de chaussures, une voute plantaire écrasée et de la tension digne d'une fête foraine; des insomnies chroniques à dormir 3h sur une nuit; des maux de tête à préférer entendre du Rica Zaraï en boucle durant 1 an plutôt que de rester enceinte une minute de plus; un mal de dos que tu traines depuis 10 ans qui s’amplifie encore et encore; 28 kilos à la clef, comme ça, parce qu'on est sympa et que 10, ça semblait trop peu; des fourmis dans les doigts qui t'empêchent de tenir une fourchette durant 3 mois (du coup on peut se demander comment tu as prit ces fameux 28 kilos!); tu en passes et des meilleurs. Pire que tout (et tu en feras peut-être partie chère lectrice n'en prend donc pas ombrage, ce ne sont que les paroles d'une mère enceinte qui compte les secondes) ces pouffiasses qui rient aux éclats en repensant nostalgiquement à ces mois merveilleux et qui ne rêvent que d'une chose: écarter à nouveau les cuisses afin de se faire remettre l'utérus en route.
2010: 36 semaines 1/2 de grossesse souffrance plus tard, chez ton cher gynéco ... "Mme Christe, on va vous déclencher", aussi au courant qu'une truie anémique de ce que ça concerne, tu ne tiltes pas tout de suite. Mais tout prend un sens quand ton mari se voit offrir le choix de la date comme un rdv chez le coiffeur quand tu te rhabilles en cabine. "Quoi? Je vais accoucher dans 5 jours, mais, mais c'est merveilleux bordel!" T'en pleurerais presque, voulant embrasser Mister G. à pleine bouche pour le remercier, mais bon tu es mariée depuis moins d'un mois alors tu te retiens. Sereine, sachant quand ton calvaire et l'attente de connaître la crevette vont prendre fin. Le jour J tu passes tranquillement faire 2,3 achats avant de te rendre à la clinique. Dans ta tête tout est clair: une amie s'est fait déclencher, tu n'as pas eu les détails mais 4h après elle accouchait tranquillou, c'est décidé, la peur de l'inconnu très peu pour toi! T'y vas les doigts de pieds en éventail, même pas épilée.
29 mai 2010: ça fait 25h que tu es à la clinique, putain c'est long, putain t'as rien bouffé depuis 32h, tu savais même pas que tu aurais du grignoter un petit truc avant de te présenter. Bref, tout se passe bien, tu sais absolument pas comment tu vas sortir ce petit être vu que tu n'es qu'à 2cm de dilatation mais ton homme est là, tout va bien. Tu n'avais aucun plan précis dans ta tête, durant 9 mois tu n'as fait qu'en chier et prier pour que ça s'arrête d'une manière ou d'une autre. Tu n'as pas de plan de naissance, pas d'envie de positions (comme cette fameuse russe qui te montrait son vagin moulé dans un legging en testant la chaise super high tech et qui avait tout réglé à la minute des mois à l'avance lors de la préparation à l'accouchement), juste pas envie de souffrir pour rien, la péri c'est pour toi, même une double tournée si tu n'en veux. Sauf qu'en fait au bout de 25h on t'annonce que tu pars en césarienne. En césa quoi? Alors oui ok, on a passé rapidement là dessus lors des cours, mais en gros qu'est-ce que ça signifie?
29 mai 2010, 20h15: Ben en gros ça signifie que tu chies dans ton froc parce que tu ne t'es pas préparé à ça, petite maligne. Ça signifie qu'en 45 minutes ta gnomette elle vient au monde et que tu ne t'en rends même pas compte car entre les doses de péri et la double dose pour l'intervention, Dark Vador viendrait t'apprendre que tu es sa fille tu le croirais. Ça signifie que tu te fais tirailler dans tous les sens car ta fille est coincée sous tes côtes et qu'on te coupe la respiration durant 3 bonnes heures (le temps n'a plus vraiment la même réalité quand t'es droguée) deux fois de suite. Que tu sens chaque mouvements fait dans ton ventre et que tu as la trouille que l'anesthésie foute le camp dans les secondes qui suivent. Pas une maladie, pas une maladie, ça fait marrer quand on sait que ces mêmes personnes son proche de la mort avec un gros rhume! Ça signifie que ton bébé part en courant se faire aspirer alors que tu ne sais même pas qu'il n'est plus dans ton ventre car tu as un %ç*"*ç de champ opératoire à 3mm des yeux, raté pour le peau contre peau, bibiche. Ça signifie que tu poireautes 2 bonnes heures après avoir tenu 3 minutes ton bébé dans les bras durant la vieille couturisation de ta plaie à te faire secouer dans tous les sens (autant dire que t'as vachement la tête à ton premier contact). Ça signifie que tu es pleine d'interrogations après cet accouchement car c'est pas du tout ce qu'on t'avais promis dans les livres.
Novembre 2010: Tu as un peu digéré ton accouchement, tu as parlé avec d'autres mamans toutes fraîchement primipares et quel que soit l'accouchement qu'elles ont eu, pas une ne te racontent le joli compte de fée qu'on voit à la télé. Tu respires, tu te dis qu'au final quelle que soit la manière le principal c'est d'avoir ta crevette avec toi maintenant. Du coup à la visite des 6 mois tu oses poser quelques questions. Mais ton gynéco est assez évasif, très compétent mais pas très bavard.
Juin 2011: 2 mois, 2 mois seulement pour tomber enceinte du gnome number tou. Alors que toi tu pensais peinard avoir un peu de temps devant toi, tu venais à peine d'écarter les cuisses, tu mettais juste en route l'idée éventuelle que ça pourrait reprendre un an avant de revivre toutes ces magnifiques choses gravées au sang du placenta dans ta mémoire. Ben non, t'as qu'à croire meuf! La crevette n'aura que 21 mois d'écart avec son frangin et c'est comme ça, à toi d'assumer ce qui te semble insurmontable. Let's gooooo Bozo!
19 janvier 2011: Tu regardes la Maternelles et tu découvres dans quelles conditions on déclenche un accouchement, raisons encore très obscures dans ta tête jusqu'alors grâce à un gynéco qui n'aime pas inquiéter pour rien, sauf que toi tu préfères tout savoir car t'es une chieuse de cartésienne. Tu comprends que ton poids et ta tension ont fait que tu risquais une pré-éclampsie, que le bébé aussi était un peu en détresse car tu as rassemblé les quelques vagues indices que tu as eu durant l'accouchement et ce que t'as eu comme hypothèse de la sage-femme. Tu sais maintenant qu'un déclenchement peut aller jusqu'à 3 jours pour se mettre en route. Tu sais que plus tu es loin du terme plus les risques de césariennes sont élevés vu qu'on force la nature (une petite phrase toute conne qui t'aurait bien aidé à ce moment là!). Tu sais que la césarienne ne te donne pas forcément accès à un premier contact avec ton enfant dès sa sortie s'il a bu la tasse et qu'on doit l'aider à prendre sa 1ère respiration. Tu sais que tu aurais du demander un peau contre peau pour le papa durant les 2h où tu étais en salle de réveil. Tu sais que dans le cadre d'une césarienne programmée tu auras une rachi et pas une péri, la péri n'anesthésiant qu'une partie des sensations (douleurs, chaud et froid, ce qui est déjà pas mal hein!) et que c'est pour ça que tu as senti tous les mouvements des petites mains délicates des deux médecins penchés sur toi. Tu sais que ton allaitement n'est pas parti d'un bon pied mais maintenant tu as plus de cartes en main grâce à l'expérience. Tu sais plein de nouvelles choses qui te font enterrer la hache de guerre avec cette 1ère naissance et tu en est ravie, merci Daphné!
Mais ce qui enfonce encore un peu plus le clou c'est quand tu entends ces mamans formidables qui veulent un accouchement le plus naturel possible, sans péri, et qui ne veulent pas être déclenchées même le terme dépassé quand toi tu es parti d'office sur une deuxième césarienne 2 semaines avant terme afin de ne pas te confronter encore une fois à l'inconnue. Car te taper une cicatrice de césarienne c'est déjà bien assez, t'as pas envie d'avoir une épisio en plus, ni de l'incontinence ou même une foufoune qui aurait la tête de Stalone. Certes ce sont peut-être des idées fausses, mais t'as pas envie de t'y aventurer.
Alors voilà, maintenant que je suis maman depuis bientôt 2 ans j'ai parlé, récolté des indices, fouillé dans les méandres des souvenirs quelque peu idylliques de nos mamans qui lâchent au goutte à goutte la vérité, j'ai vécu aussi un peu, et je peux vous le dire à vous, celles qui sont dans mon cas et qui ont honte de ne pas surkiffer la vibe de la grossesse: vous n'êtes pas les seules! Sous le manteau on se révèle des choses pas très catholiques à ne pas dire aux des futures mamans encore sous l'euphorie de l'annonce, mais nous existons bien! Un peu comme des parias vivant dans les tunnels de Terminator ou Total Recall. Il suffit que l'une d'entre nous lâche une bride d'info pour que l'autre s'engouffre dans un "Ah ouais, toi aussi?" plein de sous-entendus.
En gros, le plus beau c'est ce qui vient après et c'est pour ça que tu remets le couvert ...