On dit jamais deux sans trois et c'est en s'appuyant sur ce principe que notre bon vieux Freud élabora le concept du "surmoi" qui complétait le "ça" et le "moi". Cette expression désigne en gros votre perception du bien et du mal à tout les niveaux et est, hourra, le digne héritier du complexe d'Œdipe. Pour celles qui n'étaient pas encore assez gâtées par mère Nature, en voici donc une autre couche bien sympathique. Ce "surmoi" représente donc les limites que l'on se fixe grâce à l'autorité parentale afin d'éviter la frustration perpétuelle en perpétrant encore et encore les mêmes erreurs. Les parents sont donc remplacés à terme par ce policier interne qui nous rappelle à quel point l'erreur est douloureuse, la frustration désagréable.
Lors de ma séance "psy" du jour, mon bon Dr F. m'a expliqué que j'étais donc sujette à un "surmoi" un peu trop zélé, trop présent tant quantitativement que qualitativement. Ce dérèglement qui m'impose une immensifique attente de ma personne viendrait d'une trop grosse différence d'éducation dans ma prime jeunesse. Pour faire court je me prends la tête pour rien et me dévalorise pour tout. Partant du principe que résoudre cette névrose va prendre quelques décennies, j'imagine déjà un futur où cette analyse hebdomadaire me serait rendue inutile par l'absorption d'une pilule miracle. Elle me ferait accepter mes complexes, m'autoriserait à créer sans limite, à être moins sévère avec moi mais aussi avec mes proches, éviterait les esclandres de type conjugale quand je me sens acculer (oui acculer!), finit les scénarios hollywoodiens, les souffrances inutiles. Bref, ma vie serait un papillon de lumière sous acide, mes enfants n'hériteraient d'aucune névrose et je vivrais paisiblement sans remise en question incessante.
Dans ce futur pas si lointain on pourrait aussi prendre des spécimens rencontrés dans une télé crochet où l'on se rend compte que certaines personnes manque cruellement de "surmoi". Il serait donc envisageable, non plus de se soigner par voie médicamenteuse mais de penser à une greffe. Afin d'éviter le rejet, le patient serait soumis à une posologie stricte de doses de remise en question à prendre matin, midi et soir. Il va de soi que ce genre de thérapie à une faille et nous manquerions particulièrement d'humour et bêtisier tout au long de ces émissions. Mais les avancées scientifiques ne se font pas sans casser des oeufs. Je pourrais donc sacrifier mon côté vil et moqueur à des fins altruistes et me contenter d'une bonne blague belge, avoir une discussion avec certaines lilloises, sniffer les Pampers de mes gnomes, ouvrir un Voici et reluquer les fesses tombantes des sexagénaires.
Cela n'étant pas encore d'actualité nous allons encore pouvoir profiter longtemps de mes névroses sur ce blog et je vous vois venir avec vos gros sabots bande de filles accros au Chat: Pas de boycott de la science! Il en va de ma santé mentale mais aussi du bien de la planète. Imaginer une Terre sans égo surdimensionné, sans informaticiens boutonneux encore puceaux à 45 ans, sans pétasse peroxydée au volant d'une berline ultra chère qui vous coupe la route sous prétexte qu'elle est trop bonne pour attendre, sans père nombriliste qui vous ruine votre objectivité. Un "surmoi" normal, comprenant les nuances de la loi pour le bien d'autrui, digérant rapidement les défauts pour mettre en avant les qualités, personne pour ruiner la vie des autres, tout le monde aurait sa chance d'être bien dans sa peau. Certes le manque de frustration psychologique que certains artistes s'infligent risquerait de faire disparaitre le génie et le dépassement de soi de quelques personnalités dérangées. Mais sérieux, avons nous vraiment besoin des tableaux de Van Gogh? Des génies bien dans leur peau ne pourraient-ils pas voir le jour? Est-ce que le grand Léonard ou le lyrique Serj Tankian ne seraient-ils pas aussi sévèrement incroyable sans leur dose d'auto-critique?
Peut-être que ce monde serait effectivement sans saveur si nous étions tous heureux comme des petits poneys à la crinière barbapapa. Peut-être que les névroses de chacun font un monde plus haut en couleur. Mais les fourmis, véritables maîtresses du monde avec leurs incroyables mégalopoles n'ont pas d'égo, elles unissent leurs petites antennes pour le bien d'une société sans se soucier de l'individualité, un peu comme le souhaitait Marx avec son communisme originel. Malheureusement la nature humaine est telle que chacun voudra encore et encore tirer son épingle de jeu et ruiner les espoirs de la masse.
Je vais donc savourer mon égoïsme, travailler paisiblement à l'équilibre de mon auto-critique et que mon voisin qui joue de la perceuse le dimanche matin aille se faire foutre.